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LES AMIES

banlieue de Paris, une maisonnette qu’elle occupait seule avec sa mère. C’était à vingt minutes, par le train. L’habitation était assez loin de la gare, isolée, au milieu de terrains vagues, que l’on nommait des champs ; et Cécile revenait souvent tard, dans la nuit. Mais elle n’avait point peur ; elle ne croyait pas au danger. Elle avait bien un revolver ; mais elle l’oubliait toujours, à la maison. D’ailleurs, c’était à peine si elle eût su s’en servir.

Au cours de ses visites, Christophe la faisait jouer. Il s’amusait de voir sa pénétration des œuvres musicales, surtout quand il l’avait mise, d’un mot, sur le chemin du sentiment à exprimer. Il s’était aperçu qu’elle avait une voix admirable : elle ne s’en doutait point. Il l’obligeait à s’exercer ; il lui faisait chanter de vieux lieder allemands, ou sa propre musique ; elle y prenait plaisir, et faisait des progrès, qui la surprenaient autant que lui. Elle était merveilleusement douée. L’étincelle musicale était tombée, par prodige, sur cette fille de petits bourgeois parisiens, dénués de sentiment artistique. Philomèle — (il la nommait ainsi) — causait parfois de musique avec Christophe, mais toujours d’une façon pratique ; jamais d’une façon sen-