chargé de tout le bagage, recevant tous les coups, se laissant faire, — attendant, s’amusant des exploits de ses maîtres et des coups qu’il recevait, se disant : « Ils ne dureront pas toujours », prévoyant leur culbute finale, la guettant du coin de l’œil, et déjà riant d’avance, de sa grande bouche silencieuse. Un beau jour, en effet, Gargantua et frère Jean se noyaient, en croisade. Patience les regrettait bonnement, se consolait gaiement, sauvait Panurge qui se noyait, et disait : « Je sais bien que tu me joueras encore des tours, je ne suis pas dupe ; mais je ne puis me passer de toi : tu es utile à ma rate, tu me fais rire. »
Sur ce poème, Christophe composait de grands tableaux symphoniques, avec soli et chœurs, des batailles héroï-comiques, des kermesses déboutonnées, des bouffonneries vocales, des madrigaux à la Jannequin, d’une joie énorme et enfantine, une tempête sur la mer, l’Île sonnante et ses cloches, et, à la fin, une symphonie pastorale, pleine de l’air des prairies, de l’allégresse sereine des flûtes et des hautbois, et des chansons populaires de la vieille France, à l’âme claire. — Les deux amis travaillaient dans une jubilation continuelle. Le maigriot Olivier, aux joues pâles, prenait un bain de santé dans la santé de Christophe. À travers leur mansarde, des trombes d’air passaient. Ivresse sans égale ! Créer avec son cœur et le cœur de son ami ! L’étreinte de deux amants