— C’est votre faute. Vous vous retirez tous. Quand les choses ne vont pas en France, selon votre fantaisie, vous démissionnez avec éclat. On dirait que vous mettez votre point d’honneur à vous déclarer vaincus. On n’a jamais vu perdre sa cause avec autant d’entrain. Voyons, commandant, vous qui avez fait la guerre, est-ce que c’est une façon de se battre, cela ?
— Il n’est pas question de se battre, répondit le commandant, on ne se bat pas contre la France. Dans des luttes comme celles-ci, il faut parler, discuter, voter, subir des contacts déplaisants avec des tas de fripouilles : cela ne me va pas.
— Vous êtes bien dégoûté ! En Afrique, vous en avez vu d’autres !
— Parole d’honneur, cela me dégoûtait moins. Et puis, on pouvait toujours leur casser la gueule ! D’ailleurs, pour se battre, il faut des soldats. J’avais mes tirailleurs là-bas. Ici, je suis tout seul.
— Ce ne sont pourtant pas les braves gens qui manquent.
— Où sont-ils ?
— Partout autour de vous.
— Eh bien, qu’est-ce qu’ils font alors ?
— Ils font comme vous, ils ne font rien, ils disent qu’il n’y a rien à faire.
— Citez-m’en un, seulement.
— Trois, si vous voulez, et dans votre propre maison.