Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

214
JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

rale. Ils l’aiment d’autant plus qu’ils ont contribué à le faire ainsi, depuis cent ans, et que cette liberté est en partie leur œuvre. Comment donc ne la défendraient-ils pas contre les menaces de toute réaction féodale ? C’est faire le jeu de cette réaction, que tâcher — comme le voudraient une poignée de politiciens criminels et un troupeau de stupides honnêtes gens, — de briser les liens qui rattachent à la France ces Français d’adoption.

Le commandant Chabran était de ces vieux Français malavisés, que leurs journaux affolent, en leur représentant tout immigré en France comme un ennemi caché, et qui, avec un esprit naturellement accueillant et humain, s’obligent à suspecter, haïr, se recroqueviller chez eux, renier les destinées généreuses de la race, qui est le confluent des races. Il se croyait donc tenu d’ignorer le locataire du premier, quoiqu’il eût été bien aise de le connaître. De son côté, M. Weil aurait eu plaisir à causer avec l’officier ; mais il connaissait son nationalisme, et il le méprisait doucement.

Christophe avait beaucoup moins de raisons que le commandant de s’intéresser à M. Weil. Mais il ne pouvait souffrir d’entendre dire du mal de quelqu’un, injustement. Aussi rompait-il des lances pour M. Weil, quand on l’attaquait devant lui.

Un jour que le commandant déblatérait, ainsi qu’à l’ordinaire, contre l’état des choses, Christophe lui dit :