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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

L’histoire du monde n’était que l’histoire de l’agrandissement perpétuel de l’idée de Dieu. La chute du Temple juif, la ruine du monde païen, l’échec des Croisades, le soufflet de Boniface VIII, Galilée qui rejeta la terre dans l’espace vertigineux, les infiniment petits plus puissants que les grands, la fin des royautés et celle des Concordats, tout cela désorientait pour un temps les consciences. Les uns s’attachaient désespérément à ce qui tombait ; les autres prenaient une planche, au hasard, et allaient à la dérive. L’abbé Corneille se demandait seulement : « Où sont les hommes ? Où est ce qui les fait vivre ? » Car il croyait : « Où est la vie, là est Dieu. » — Et c’est pourquoi il se sentait de la sympathie pour Christophe.

De son côté, Christophe avait plaisir à réentendre la belle musique, qu’est une grande âme religieuse. Elle éveillait en lui de lointains et profonds échos. Par ce sentiment de réaction perpétuelle, qui, chez les natures vigoureuses, est un instinct de vie, l’instinct même de la conservation, le coup de rame qui rétablit l’équilibre menacé et imprime à la barque un nouvel élan, — l’excès du doute et l’écœurement du sensualisme parisien avaient, depuis deux ans, peu à peu ressuscité Dieu dans le cœur de Christophe. Non pas qu’il crût en lui. Il le niait. Mais il en était plein. L’abbé Corneille lui disait, en souriant, que comme le bon géant, son patron, il portait Dieu, sans le savoir.