— Ne parlons pas de l’art, dit Christophe.
— Je ne dis pas que ce qu’ils font me soit toujours sympathique : c’est même odieux souvent. Du moins, ils vivent et ils savent comprendre ceux qui vivent. Nous pouvons critiquer, railler, maudire les Juifs. Nous ne pouvons nous passer d’eux.
— Il ne faut rien exagérer, dit Christophe, gouailleur. Je saurais m’en passer.
— Tu saurais vivre, peut-être. Mais à quoi te servirait, si ta vie et ton œuvre restaient inconnues de tous, comme elles le seraient probablement sans eux ? Sont-ce nos coreligionnaires qui viendraient à notre secours ? Le catholicisme laisse périr, sans un geste pour les défendre, les meilleurs de son sang. Tous ceux qui sont religieux du fond de l’âme, tous ceux qui donnent leur vie à la défense de Dieu, — s’ils ont eu l’audace de se détacher de la règle catholique et de s’affranchir de l’autorité de Rome, — aussitôt ils deviennent à l’indigne horde qui se dit catholique, non seulement indifférents, mais hostiles ; elle fait le silence sur eux, elle les abandonne en proie aux ennemis communs. Un esprit libre, quelle que soit sa grandeur, — si, chrétien de cœur, il n’est pas chrétien d’obéissance, — qu’importe aux catholiques qu’il incarne en lui ce qu’il y a de plus pur dans leur foi et de vraiment divin ? Il n’est pas du troupeau, de la secte aveugle et sourde, qui ne pense point par soi-même. On le rejette,