poursuivi, harcelé par eux, que tu perdrais le meilleur de ta force à les combattre ; quand tu en aurais eu raison, le souffle te manquerait pour accomplir ton œuvre ; ta vie serait finie. Les grands hommes qui triomphent bénéficient d’un malentendu. On les admire, pour le contraire de ce qu’ils sont.
— Peuh ! fit Christophe, vous ne connaissez pas la lâcheté de vos maîtres. Je te croyais seul d’abord, je t’excusais de ne pas agir. Mais en réalité vous êtes toute une armée, qui pensez de même. Vous êtes cent fois plus forts que ceux qui vous oppriment, vous valez mille fois mieux, et vous vous en laissez imposer par leur effronterie ! Je ne vous comprends pas. Vous êtes dans le plus beau pays, vous êtes doués de la plus belle intelligence, du sens le plus humain, et vous ne faites rien de tout cela, vous vous laissez dominer, outrager, fouler aux pieds par une poignée de drôles. Soyez vous-mêmes, que diable ! N’attendez pas que le ciel vous aide, ou un Napoléon ! Levez-vous, unissez-vous. À l’œuvre, tous ! Balayez votre maison.
Mais Olivier, haussant les épaules, avec une lassitude ironique, dit :
— Se colleter avec eux ? Non, ce n’est pas notre rôle, nous avons mieux à faire. La violence me répugne. Je sais trop ce qui arriverait. Tous les vieux ratés aigris, les jeunes serins royalistes, les apôtres odieux de la brutalité et de la haine