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Maintenant que Christophe commençait à entrevoir les ressources cachées de la France, il s’indignait qu’elle se laissât opprimer par la canaille. Le demi-jour, où cette élite silencieuse s’enfonçait, lui était étouffant. Le stoïcisme est une belle chose, pour ceux qui n’ont plus de dents. Lui, il avait besoin du grand air, du grand public, du soleil de la gloire, de l’amour de milliers d’âmes, d’étreindre tous ceux qu’il aimait, de pulvériser ses ennemis, de lutter et de vaincre.

— Tu le peux, dit Olivier, tu es fort, tu es fait pour vaincre, par tes défauts — (pardonne !) — autant que par tes qualités. Tu as la chance de n’être pas d’une race, d’un peuple trop aristocratique. L’action ne te dégoûte pas. Tu serais même capable, au besoin, d’être un homme politique. — Et puis, tu as le bonheur inappréciable d’écrire en musique. On ne te comprend pas, tu peux tout dire. Si les gens savaient le mépris pour eux qu’il y a dans ta musique, et ta foi en ce qu’ils nient, et cet hymne perpétuel en l’honneur de ce qu’ils s’évertuent à tuer, ils ne te pardonneraient pas, et tu serais si bien entravé,

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