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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

coup plus saine, se moquait de lui, et l’appelait : petite fontaine.

Les deux enfants s’aimaient de tout cœur ; mais ils étaient trop différents pour vivre ensemble. Chacun allait de son côté, et poursuivait ses chimères. À mesure qu’Antoinette grandissait, elle devenait plus jolie ; on le lui disait, et elle le savait bien : elle en était heureuse, elle se forgeait déjà des romans pour l’avenir. Olivier, malingre et triste, se sentait constamment froissé par tous ses contacts avec le monde extérieur ; et il se réfugiait dans son absurde petit cerveau : il se contait des histoires. Il avait un besoin ardent et féminin d’aimer et d’être aimé ; et, vivant seul, en dehors de tous ceux de son âge, il s’était fait deux ou trois amis imaginaires : l’un s’appelait Jean, l’autre Étienne, l’autre François ; il était toujours avec eux. Aussi, n’était-il jamais avec ceux qui l’entouraient. Il ne dormait pas beaucoup, et rêvassait sans cesse. Le