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ANTOINETTE

tels, des collégiens après deux heures de classe.

Antoinette n’avait pas la force de bouger ; elle était comme pétrifiée ; ses doigts crispés déchiraient en silence un de ses gants. Depuis les premières notes de la symphonie, elle avait eu le sentiment net de ce qui allait se passer, elle percevait l’hostilité sourde du public, elle la sentait grandir, elle lisait en Christophe, elle était sûre qu’il n’irait pas jusqu’au bout sans un éclat ; elle attendait cet éclat, avec une angoisse croissante ; elle se tendait pour l’empêcher ; et, quand cela fut venu, cela était tellement comme elle l’avait prévu qu’elle fut écrasée ainsi que par une fatalité, contre laquelle il n’y avait rien à faire. Et comme elle regardait toujours Christophe, qui fixait insolemment le public qui le huait, leurs regards se croisèrent. Les yeux de Christophe la reconnurent, peut-être, une seconde ; mais, dans l’orage qui l’emportait, son esprit ne