Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 6.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

183
ANTOINETTE

qu’elle ne connaissait pas, mais qui, voyant son désappointement, lui offrit de partager une loge dont il disposait : elle accepta étourdiment. Sa présence avec Christophe fit jaser la petite ville ; et ces bruits malveillants arrivèrent aussitôt aux oreilles des Grünebaum, qui, déjà disposés à admettre toutes les suppositions désobligeantes sur le compte de la jeune Française, et exaspérés contre Christophe, à la suite de certaines circonstances que nous avons racontées ailleurs, donnèrent brutalement congé à Antoinette.

Cette âme chaste et rougissante, que son amour fraternel avait tout entière enveloppée, sauvée de toute souillure de pensée, crut mourir de honte, quand elle comprit ce dont on l’accusait. Pas un instant, elle n’en voulut à Christophe. Elle savait qu’il était aussi innocent qu’elle, et que, s’il lui avait fait du mal, c’était en voulant lui faire du bien : elle lui était reconnaissante.