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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

Antoinette le conseillait, le soutenait, lui soufflait sa force.

Elle n’en avait pourtant pas trop pour elle-même. Elle étouffait dans ce pays étranger, où elle ne connaissait personne, où personne ne s’intéressait à elle, à part la femme d’un professeur, qui était venue s’installer depuis peu dans la ville, et qui s’y trouvait dépaysée, elle aussi. La brave femme était assez maternelle, et compatissait à la peine des deux enfants qui s’aimaient et qui étaient séparés — (car elle avait arraché à Antoinette une partie de son histoire) — ; mais elle était si bruyante, si commune, elle manquait à un tel point — quoique bien innocemment — de tact et de discrétion, que l’aristocratique petite âme d’Antoinette se repliait, effarouchée. Ne pouvant se confier à personne, elle amassait en elle tous ses soucis : c’était un poids bien lourd ; par moments, elle croyait qu’elle allait tomber ; mais elle