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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

fondes. Elle eût accepté sa demande, s’il n’avait fallu le suivre aux colonies, et abandonner par conséquent son frère. Elle refusa ; et son ami, tout en comprenant la noblesse de ses raisons, ne le lui pardonna pas : l’égoïsme de l’amour n’admet pas qu’on ne lui sacrifie point jusqu’aux vertus qui lui sont le plus chères dans l’être aimé. Il cessa de la voir ; il ne lui écrivit plus, après qu’il fut parti ; elle n’eut plus aucune nouvelle de lui, jusqu’au jour où elle apprit, — cinq ou six mois plus tard, — par une lettre de faire-part, dont l’adresse était de sa main, qu’il avait épousé une autre femme.

Ce fut une grande tristesse pour Antoinette. Une fois de plus navrée, elle offrit sa souffrance à Dieu : elle voulut se persuader qu’elle était justement punie d’avoir perdu de vue, un instant, sa tâche unique, qui était de se dévouer à son frère ; et elle s’y absorba de plus en plus.

Elle se retira tout à fait du monde. Elle