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ANTOINETTE

une cravate lâche autour du cou — (sa sœur la lui nouait soigneusement, chaque matin) ; — un veston, dont les boutons ne tenaient jamais, bien qu’elle passât son temps à les recoudre ; pas de manchettes ; les mains grandes aux poignets osseux. L’air narquois, ensommeillé, et voluptueux, il restait indéfiniment à bayer aux corneilles. Ses yeux, qui baguenaudaient, faisaient tout le tour de la chambre d’Antoinette ; — (c’était chez elle qu’était installée la table de travail) ; — ils se promenaient sur le petit lit de fer, au-dessus duquel était suspendu un crucifix d’ivoire, avec une branche de buis, — sur les portraits de son père et de sa mère, — sur une vieille photographie, qui représentait la petite ville de province avec sa tour et le miroir de ses eaux. Lorsqu’ils arrivaient à la figure pâlotte de sa sœur, qui travaillait silencieusement, il était pris d’une immense pitié pour elle et d’une colère contre lui-