Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 6.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

134
JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

fallait pas qu’il se couchât trop tard. Il n’obéissait pas tout de suite ; il avait toujours besoin d’un certain temps pour pouvoir, au sortir de la musique, se remettre sérieusement à la tâche. Sa pensée flottait ailleurs. La demie sonnait souvent avant qu’il fût dégagé des brouillards. Antoinette, penchée sur son ouvrage, de l’autre côté de la table, savait qu’il ne faisait rien ; mais elle n’osait pas trop regarder de son côté, de peur de l’impatienter, en ayant l’air de le surveiller.

Il était dans l’âge ingrat, — l’âge heureux, — où les journées se passent à flâner. Il avait un front pur, des yeux de fille, roués et naïfs, souvent cernés, une grande bouche, aux lèvres gonflées, comme téteuses, au sourire un peu de travers, vague, distrait, polisson ; trop de cheveux, qui descendaient jusqu’aux yeux et formaient presque un chignon sur la nuque, avec une mèche rebelle qui se dressait par derrière ;