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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

dans sa poche son nom et son adresse écrits, au cas où elle viendrait à tomber dans la rue. Qu’arriverait-il, si elle disparaissait ? Antoinette la soutenait, comme elle pouvait, affectant une tranquillité qu’elle n’avait pas ; elle la suppliait de se ménager, de la laisser travailler à sa place. Mais Mme Jeannin mettait les derniers restes de son orgueil à ce qu’au moins sa fille ne connût point les humiliations dont elle avait à souffrir.

Elle avait beau s’épuiser et réduire encore leurs dépenses : ce qu’elle gagnait ne suffisait pas à les faire vivre. Il fallut vendre les quelques bijoux qu’on avait conservés. Et le pire fut que cet argent, dont on avait tant besoin, fut volé à Mme Jeannin, le jour même qu’elle venait de le toucher. La pauvre femme, qui était d’une étourderie perpétuelle, s’était avisée, pour utiliser sa course, d’entrer au Bon Marché, qui était sur son passage ; c’était, le lendemain, la fête d’Antoi-