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C’était un dimanche d’octobre. Quatre heures de l’après-midi. Le temps était radieux. Christophe était resté, tout le jour, dans sa chambre, replié sur lui-même, « suçant sa mélancolie. »

Il n’y tint plus, il eut un besoin furieux de sortir, de marcher, de dépenser sa force, de s’exténuer de fatigue, afin de ne plus penser.

Il était en froid avec sa mère, depuis la veille. Il fut sur le point de s’en aller, sans lui dire au revoir. Mais, déjà sur le palier, il pensa au chagrin qu’elle en aurait, pour toute la soirée, où elle resterait seule. Il rentra, se donnant à lui-même le prétexte qu’il avait oublié quelque chose dans sa chambre. La porte de la chambre de sa mère était entrebâillée. Il passa sa tête par l’ouverture. Il vit sa mère, quelques secondes… (Quelle place ces quelques secondes devaient tenir dans le reste de sa vie !)…

Louisa venait de rentrer des vêpres. Elle était assise à sa place favorite, dans l’angle de la fenêtre. Le mur de la maison d’en face, d’un blanc sale et crevassé, masquait la vue ; mais, de l’encoignure où elle était, on pouvait voir à droite, par delà les deux cours des maisons voisines, un petit coin de pelouse grand comme un mouchoir de poche. Sur le rebord de la fenêtre, un pot de volubilis grimpait le long de ficelles, et tendait sur l’échelle aérienne son fin réseau, qu’un rayon de soleil caressait. Louisa, assise sur une chaise basse, le dos rond, sa grosse Bible ouverte sur ses genoux, ne lisait pas. Ses deux mains posées à plat sur le livre, — ses mains aux

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