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la révolte

un chien blanc bondissait, décrivant de grands ronds. Christophe, appuyé à un arbre, écoutait, regardait la terre printanière ; il était repris par la paix et la joie de ces êtres : il oubliait, il oubliait… Brusquement, il serra dans ses bras le bel arbre, contre lequel il appuyait sa joue. Il se jeta par terre ; il s’enfonça la tête dans l’herbe ; il riait nerveusement, il riait de bonheur. Toute la beauté, la grâce, le charme de la vie l’enveloppait, l’imbibait, le pénétrait comme une éponge. Il pensait :

— Pourquoi es-tu si belle, et eux — les hommes — si laids ?

N’importe ! Il l’aimait, il l’aimait, il sentait qu’il l’aimerait toujours, que rien ne pourrait l’en déprendre. Il embrassa la terre avec ivresse. Il embrassait la vie :

— Je t’ai ! Tu es à moi. Ils ne peuvent pas t’enlever à moi. Qu’ils fassent ce qu’ils veulent ! Qu’ils me fassent souffrir !… souffrir, c’est encore vivre !