Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 1.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
l’aube

petits voulaient toujours être portés, ils n’en étaient jamais las ; et quand Christophe ne pouvait plus, c’étaient des pleurs sans fin. Ils lui donnaient bien du mal, et il était souvent fort embarrassé d’eux. Ils étaient sales et demandaient des soins maternels. Christophe ne savait que faire. Ils abusaient de lui. Il avait envie parfois de les gifler ; mais il pensait : « Ils sont petits, ils ne savent pas » ; et il se laissait pincer, taper, tourmenter, avec magnanimité. Ernst hurlait pour rien ; il trépignait, il se roulait de colère : c’était un enfant nerveux, et Louisa avait recommandé à Christophe de ne pas contrarier ses caprices. Quant à Rodolphe, il était d’une malice de singe : il profitait toujours de ce que Christophe avait Ernst sur les bras, pour faire derrière son dos toutes les sottises possibles ; il cassait les jouets, renversait l’eau, salissait sa robe, et faisait tomber les plats, en fouillant dans le placard.

Si bien que lorsque Louisa rentrait, au lieu de complimenter Christophe, elle lui disait, sans le gronder, mais d’un air chagrin, en voyant les dégâts :

— Mon pauvre garçon, tu n’es pas bien habile. Christophe était mortifié, et il avait le cœur gros.