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l’aube

parla avec une tendresse maternelle. En même temps, il disait des mots drôles, et il le chatouillait pour le faire rire ; et Christophe ne pouvait s’empêcher de rire au milieu de ses larmes. Bientôt il fut familiarisé tout à fait, il répondit à Hassler sans aucune gêne ; et, de lui-même, il se mit à lui raconter à l’oreille tous ses petits projets, comme si Hassler et lui étaient de vieux amis : comment il voulait être musicien comme Hassler, faire de belles choses comme Hassler, devenir un grand homme. Lui, qui avait toujours honte, il parlait avec une entière confiance, il ne savait ce qu’il disait, il était dans une sorte d’extase. Hassler riait de son babillage. Il dit :

— Quand tu seras grand, quand tu seras devenu un brave musicien, tu viendras me voir à Berlin. Je ferai quelque chose de toi.

Christophe était trop ravi pour répondre. Hassler le taquina :

— Tu ne veux pas ?

Christophe hocha la tête avec énergie, cinq à six fois, pour affirmer que si.

— Alors, c’est convenu ?

Christophe recommença sa mimique.

— Embrasse-moi, au moins !

Christophe jeta ses bras autour du cou de Hassler et le serra de toutes ses forces.

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