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l’aube

étaient là. On ne s’entretenait que des œuvres merveilleuses que l’on venait d’entendre. On arriva devant le palais, et on se disposa sans bruit sous les fenêtres du maître. On affectait des airs mystérieux, bien que tout le monde fût au courant, et Hassler comme les autres, de ce qu’on allait faire. Dans le beau silence de la nuit, on commença de jouer certaines pages célèbres de Hassler. Il parut à la fenêtre avec le prince, et on hurla en leur honneur. Ils saluaient, tous les deux. Un domestique vint, de la part du prince, inviter les musiciens à entrer au palais. Ils traversèrent des salles dont les murs étaient badigeonnés de peintures, qui représentaient des hommes nus avec des casques : ils étaient de couleur rougeâtre, et faisaient des gestes de défi. Le ciel était couvert de gros nuages, pareils à des éponges. Il y avait aussi des hommes et des femmes en marbre vêtus de pagnes en tôle. On marchait sur des tapis si doux, qu’on n’entendait pas ses pas ; et on pénétra dans une salle, où il faisait clair comme en plein jour, et où des tables étaient chargées de boissons et de choses excellentes.

Le grand-duc était là ; mais Christophe ne le vit pas : il n’avait d’yeux que pour Hassler. Hassler s’avança vers eux, il les remercia ; il cherchait ses mots, s’embarrassa dans une phrase, et s’en tira

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