Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 1.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Jean-Christophe

s’agenouilla, le mit à genoux auprès d’elle. Ils prièrent pour que le bon Dieu guérît le père de sa dégoûtante habitude, et que Melchior redevînt bon et brave comme autrefois. Louisa coucha l’enfant. Il voulut qu’elle restât près de son lit, à lui tenir la main. Louisa passa une partie de la nuit, assise au chevet de Christophe qui avait la fièvre. L’ivrogne ronflait sur le carreau.

À quelque temps de là, à l’école, où Christophe passait son temps à regarder les mouches au plafond et à donner des coups de poing à ses voisins, pour les faire tomber du banc, le maître qui l’avait pris en grippe, parce qu’il se remuait toujours, parce qu’on l’entendait toujours rire, et parce qu’il n’apprenait jamais rien, fit une allusion inconvenante, un jour que Christophe s’était lui-même laissé choir, à certain personnage bien connu dont il semblait vouloir suivre brillamment les traces. Tous les enfants éclatèrent de rire ; et certains se chargèrent de préciser l’allusion, en des commentaires aussi clairs qu’énergiques. Christophe se releva, rouge de honte, saisit son encrier, et le lança à toute volée à la tête du premier qu’il vit rire. Le maître tomba sur lui à coups de poing ; il fut fustigé, mis à genoux, et condamné à un pensum énorme.

Il rentra chez lui, blême, rageant en silence ; et il déclara froidement qu’il n’irait plus à l’école. On ne

92