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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

les Allemands de chez nous étaient une espèce particulière, ayant peu de traits communs avec les autres Allemands. Mais les forfaits que ceux-ci viennent d’accomplir en Belgique et en France nous ont prouvé notre erreur. Les Allemands sont partout les mêmes, quand il s’agit de conquérir et de dominer : aucun scrupule humanitaire. Et l’on voit qu’en Allemagne, de même qu’en Russie, il faut bien distinguer deux courants d’esprit : l’un, surexcité par les idées du Pangermanisme et du Panslavisme, cherche la gloire de la nation sur les champs de bataille et dans l’oppression des autres individualités nationales ; l’autre aspire au même but dans le domaine paisible de la pensée et de la création artistique. De même que la culture de Gœthe n’a rien de commun avec le militarisme prussien, Tolstoï peut être considéré comme le représentant de cette autre Russie, bien différente de celle que représente actuellement le gouvernement russe. Certes, l’abîme entre ces deux formes de l’esprit national est moins profond en Allemagne qu’en Russie ; cela résulte de l’immensité de la Russie, qui abrite tant de masses humaines, pauvres et ignorantes, sur lesquelles le gouvernement russe s’appuie dans ses actes les plus brutaux. Mais il est tout à fait injuste d’apostropher toujours les Russes du terme de barbares. Surtout les Allemands qui usent toujours de ce mot quand ils parlent des Russes, ont moins de droit à le faire que qui-