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La paix de l’empereur avec la Porte, son alliance avec l’Angleterre, la Hollande et la Prusse, l’admission de ces trois dernières puissances en qualité de médiatrices entre lui empereur et les États belgiques, me paraissent présager l’asservissement de ceux-ci, et par suite les maux qu’on nous prépare. L’arrangement fait entre l’Angleterre et l’Espagne pourrait bien n’être encore qu’un effet de la coalition de tous ces potentats pour se réunir à notre ministère contre la nation. On fait toujours défiler des troupes vers Lyon ; elles ne se rendent point encore dans cette ville pour y établir la perception des droits, comme il semblerait instant de le faire, mais on les fait doucement promener et cantonner dans les environs. Je crois qu’on nous environne de pièges, et qu’il faudrait des insurrections dans les États voisins pur assurer le succès de notre Révolution.

On avait débité que les sections de Paris avaient nommé des commissaires pour rédiger un manifeste à toutes les puissances de l’Europe, par lequel on leur annoncerait les intentions pacifiques des Français qui ne veulent travailler qu’à se régénérer, leur résolution généreuse de tout sacrifier à leur défense contre quiconque voudrait entreprendre de les troubler, et, en conséquence, la contribution de chaque section de la capitale pour entretenir quatre cents hommes prêts à se porter partout où il serait nécessaire pour repousser les ennemis. Cette idée n’est-elle qu’un beau rêve, ou si vous travaillez réellement à la mettre à exécution ? Elle m’a singulièrement touchée, et je regarderais son effet comme infiniment nécessaire dans l’état où nous nous trouvons.

Je ne sais si celle d’un camp d’observation à faire en Dauphiné est demeurée en projet ? Bon Dieu ! que nous sommes faibles pour la liberté, et que peu de gens me paraissent sentir son prix !

Nos voyageurs songent-ils à leur départ ? Sont-ils enfin partis, ou ont-ils pris jour pour se mettre enfin en route ? Vous, le centre de la correspondance amicale et le point de ralliement des relations dont vous êtes un des objets chéris, ne nous laissez pas entièrement jeûner de vos nouvelles à tous ; recevez, partagez les tendres affections qui nous rapprochent et nous transportent au milieu de vous.