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J’écrirai à M. Pigott[1], puisque vous le désirez, mon frère[2] ; mais je ne sais où le prendre à Lyon ; je ferai deux lettres, lgune pour cette ville, l’autre à Genève. Il est vrai que Mme Blot est à la campagne. Je lui avais écrit précédemment, pour ne pas manquer au procédé, et, quoiqu’elle ne m’eût pas répondu, je suis allée la chercher à Lyon ce dernier voyage ; j’appris qu’elle était absente et, comme la campagne où elle se tient ordinairement n’est pas

  1. L’Anglais Robert Piggot, que désignait déjà probablement, sans le nommer, la lettre du 25 août 1789, était un de ces quakers qui eurent une si grande influence sur Brissot, Lanthenas, Bancal, etc… et par suite, à un certain moment, sur la Révolution française. Dans leur radicalisme biblique, ils réclamaient non seulement l’affranchissement des noirs, mais encore l’émancipation de tous les peuples, la république universelle. Granville-Sharp, Clarkson, Williams et Paine sont les figures les plus connues de ce groupe ; il semble que Pigott en soit une des plus originales. Brissot l’avait connu et fréquenté à Londres en 1783 (Mém. II, 233). C’est sur la présentation de Brissot (ibid, III, 88) que furent reçus, à la Société des Amis des noirs de Paris, en 1788, Lanthenas, Crèvecœur et Pigott [remarquons la réunion de ces trois noms]. Dès le commencement de 790 nous voyons Pigott travailler à nos libertés : « Liberté de la presse, très respectueuse adresse à l’Assemblé nationale de France, présentée par Robert Pigott, écuyer anglais. L’impression de cette adresse a été ordonné par l’Assemblée nationale » (Patriote français du 10 février 1790 et Supplément). Les lettres qui suivent nous le montrent occupé d’une affaire d’un tout autre genre, l’achat de biens nationaux. Nous le retrouvons en 1792 nous faisons une autre sorte de prédication : « Discours prononcé dans la Société des Amis de Dijon, par R. Pigott. Anglais, citoyen français, contre le grand usage du pain » (Patriote du 4 avril 1792). Un médecin de Dijon, Masuyer, parle dans le même sens, et la Société de Dijon, avec eux recommande la soupe militaire du maréchal Vauban, qu’ils appellent « brouet national ». — Nous ne saurions dire, d’ailleurs, de quel droit Pigott se disait « citoyen français ». Son nom ne figure pas sur la liste des étrangers auxquels la Convention, le 26 août 1792, sur le rapport de Guadet, décerna ce titre (Patriote du 27 août) ; en tout cas, la décision aurait été antérieure.

    Nous perdons ensuite la trace du Pigott. Son nom se retrouve seulement en 1794 sur la « Liste des Anglais, Espagnols et autres étrangers en guerre avec la France ou service de ses ennemis, qui possèdent des biens en France, indiqués par l’article 2 de la loi du 9 ventôse… » Nous y lisons : « Pigott (Robert), Anglais, domicile à Paris ». (Date où la liste a été dressée par le district, 5 nivôse an ii, 25 décembre 1793.) Il mourut à Toulouse, le 7 juillet 1794 (Arch. munic. de Toulouse, registre de l’état civil). Pigott était « pythagoricien », c’est-à-dire ennemi de l’usage des viandes (Mém. de Brissot, II, 233).

    C’est à lui qu’en février 1792 (Voir Patriote français du 6 février) Brissot avait emprunté le panégyrique du bonnet rouge (Robiquet, p. 472).

  2. Elle s’adresse ici spécialement à Lanthenas.