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vingt-quatre heures, parce que la publication de l’écrit en question n’a pas été aussi prompte que je l’avais espéré et que je veux en aller voir lgeffet. Je tiens également à ce que mon ami ne s’y rende pas ; quant au fond des affaires de la ville, en ce qui concerne ses finances, il a dit, répété, écrit ce qui lui semblait instant et sage ; il n’aurait qu’à répéter les mêmes choses, et probablement sans beaucoup de succès ; quant à l’insurrection, on peut la regarder comme finie ; mais elle ne l’est que par l’effet de la force, et le plus grand des malheurs est qu’on ait eu besoin de cette dernière.

L’aristocratie devra triompher, car elle jouit des torts du peuple et s’en prévaudra longtemps. La régénération de cette ville est plus éloignée que jamais, et je n’imagine plus à quelle époque on peut l’espérer. Mais répandez bien cette idée, que l’Assemblée nationale doit avoir les yeux perpétuellement ouverts sur Lyon et se défier autant, peut-être, des principes de ceux qui le gouvernent, et certainement de l’esprit qui y domine, que des erreurs du peuple et des excès auxquels il peut être entraîné.

Ce que vous nous mandez du Club de 1789[1] et ce que j’apprends de M. Necker prouvent également la corruption de l’un et les affreux principes de l’autre. Que la liberté est encore mal assurée, et combien il est difficile de l’établir chez une nation qui a perdu ses mœurs ! Vous le dites avec grande raison, l’imprimerie doit faire des prodiges avec le temps, mais il faut conserver ta liberté de la presse : voilà le grand point ; la Cour doit le sentir et fera tout pour nous l’ôter.

il serait à souhaiter que de bons esprits se réunissent pour esquisser les objets dont il convient que la législature actuelle s’occupe uniquement ; il faudrait que cette esquisse fût accompagnée de sages et de vigoureuses réflexions sur la nécessité, pour l’Assemblée nationale et pour ceux qu’elle représente, de se concentrer dans ces objets. Un petit ouvrage de ce genre, bien frappé, très répandu, pourrait éveiller les provinces et nécessiter la marche des législateurs.

J’ai souri de votre empressement à nous démontrer que notre liaison eût existé indépendamment de la Révolution ; on dirait que vous avez peur que le patriotisme n’ait les honneurs de notre amitié ; j’ai presque envie d’en faire la

  1. La Société ou club de 1789, fondée par Sieyès en janvier 1790, et à laquelle Bancal s’était fait affilier, contenait des éléments modérés et d’autres plus avancés. Il semble que les premiers l’aient emporté, mais cela même hâta la dissolution de la société. — Voir sur elle notre article de la Révolution française, septembre 1900, et Beaulieu, II, 250, ainsi que les Révolutions de France et de Brabant, n° 36 et passim.