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n’y a pas ce qu’on appelle un homme dans un pays libre ; je veux dire un être qui, à la connaissance des droits de l’homme et des devoirs d’administrateur, joigne le caractère et les talents nécessaires pour défendre les uns et suffire aux autres.

On travaille maintenant la formation du district[1] ; il est douteux qu’il s’organise plus heureusement. Il règne dans ce pays la quadruple aristocratie des prêtres et des petits nobles, des gros marchands et des robins. Ce qu’on appelait les honnêtes gens, dans l’insolence du vieux régime, présente à peine quelques patriotes ; il n’y a que le peuple qui chérisse la Révolution, parce que, son intérêt tenant immédiatement à l’intérêt général, il est juste par sa situation comme par sa nature ; mais ce peuple peu instruit est en proie aux perfides insinuations, et lors même qu’il juge bien, il a encore cette timidité, reste flétrissant des fers qu’il a si longtemps portés. Il faut une génération pour en effacer les traces, pour faire naître et motiver cette noble fierté qui soutient l’homme au niveau de la liberté et les perfectionnera ensemble.

Si la conformité des principes et le besoin de s’entr’aider vous font attacher, Monsieur, quelque intérêt à notre correspondance, vous pourrez nous adresser sous le couvert de l’Intendant de Lyon. Quoique le personnage n’existe plus[2] en quelque sorte, la machine est encore montée pour quelque temps. Si vous aviez à nous faire passer des notes ou des observations utiles à publier dans nos provinces, nous avons un moyen[3] d’en favoriser la publication. Si vous vous trouviez enfin arriver ici dans un moment ou nous n’y serions pas, veuillez vous rappeler que notre ermitage n’est qu’à cinq heures de la ville et qu’il est ouvert aux patriotes, aux citoyens qui vous ressemblent. L’ami Lanthenas et M. Blot en connaissent le chemin.

Recevez, sans compliment, le salut et l’estime du patriotisme et de la liberté.


Phlipon Delaplatière.
  1. Les élections pour le district se firent du 22 au 28 ; elle furent plus favorables, dans l’ensemble, au parti de Roland ; Frossard, Blot, le médecin Vitet furent parmi les élus. (ibid).
  2. Les Intendants avaient été supprimés par la loi du 22 décembre 1789. Mais leurs bureaux continuaient à fonctionner jusqu’à l’organisation des administrations départementales.
  3. Le Courrier de Lyon, que dirigeait Champagneux.