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générale du siècle à cette espèce de morale, les trois quarts des hommes sensés et surtout des maris la professent encore. D’ailleurs, je n’ai pas l’honneur de vous connaître assez particulièrement pour devoir donner un libre cours à mon babillage et me promettre l’indulgence qu’on ne peut espérer que de ses amis. Aussi je me garderais de me mêler dans votre discussion littéraire avec M. de La Platière, s’il n’était question de romans, de théâtre, de frivolités, et que vous n’eussiez cité les femmes à leur occasion. Ma place m’est donc assignée par vous-même ; je puis parler de mes bons amis les Anglais, et vous ne pouvez en conscience vous dispenser de me lire, quitte à me jeter au feu après.

D’abord vous avez peur : donc j’ai beau jeu ; il y aurait là de quoi

    de Madame Roland et est certainement d’elle. Roland aura voulu en garder copie.


    Philibert-Charles-Marie Varenne de Fenille, né à Dijon en 1730, receveur des tailles en l’élection de Bresse depuis 1757, agronome et sylviculteur, guillotiné à Lyon le 14 février 1794. (Voir sur lui : Œuvres agronomiques et forestières de Varenne de Fenille ; Études, précédées d’une notice biographique par Philibert Le Duc, Paris, Rothschild, 1869, 1 vol. in-8o)

    Varenne de Fenille était un des membres les plus actifs de la Société d’Émulation, de Bourg-en-Bresse, et Roland avait envoyé à cette société un mémoire intitulé : « Aperçu des causes qui peuvent rendre une langue universelle et observations sur celle des langues vivantes qui tend le plus à le devenir, par M. Roland de la Platière, inspecteur des Manufactures, de diverses Académies. » Ce mémoire fut lu à la Société d’Émulation le 20 avril 1789. Il se trouve en manuscrit : 1° au Recueil manuscrit de cette société (laquelle existe toujours à Bourg), t. I, p. 27 ; 2° aux Papiers Roland, ms. 6243, fol. 70-80, de l’écriture de Madame Roland ; 3° aux manuscrits de l’Académie de Lyon (Dumas, Histoire de l’Académie de Lyon, t. I, p. 339 et suiv.). — Certaines indications des Papiers nous portent à croire que Roland l’avait fait dès 1785, l’avait lu à l’Académie de Villefranche et l’avait en outre envoyé le 15 octobre 1785 à l’Académie de Rouen. C’était évidemment un Essai provoqué par le célèbre Discours de Rivarol sur l’universalité de la langue française, de 1784. — Roland conclut que l’anglais « sera un jour la langue universelle ». Le morceau n’est pas sans intérêt. Il porte bien la marque de Roland, avec des retouches de sa femme.

    L’envoi de son discours à Bourg avait provoqué, de la part de Varenne de Fenille, des objections auxquelles Madame Roland répond ici : « Deux illustre personnages de la Révolution avaient jugé M. de Fenille digne de leur amitié : Madame Roland et M. de Malesherbes. Il était en correspondance avec tous deux » (Philibert Le Dux, op. cit., p. 40). La lettre de Madame Roland est une contribution intéressante à l’histoire de « La guerre à propos de Shakspeare », raconté par M. Jusserand dans son Shakspeare en France sous l’ancien régime, Paris, 1898.