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Lavater[1] et toutes les excellentes choses de cet homme unique. Dis-lui que, si nous eussions reçu de ses nouvelles avant que j’eusse fait ma lettre, j’aurais osé l’appeler Lavater ou mon ami, tant il me paraît dur et sec d’appeler Monsieur un homme de génie qu’on admire et qu’on aime. Dis-lui que j’ai écrit notre voyage pour nous, et non pour en faire montre, car il aurait moins bonne idée de moi, et il aurait raison, s’il pensait que je l’eusse fait dans cette intention. Dis-lui… Mais non ; ne lui dis rien que ce qui te sera inspiré par ton cœur et dans le moment ; tu ne saurais mieux faire qu’avec ces guides.

Ne te tourmente pas sur ma santé, elle est bonne à tout prendre, et, malgré une longue colique de vents de la nuit du dimanche au lundi, malgré un coup à la tête du samedi, dont je ne me sens plus du tout, les choses sont en tel état qu’un corset, fait à Lyon l’année dernière, m’est trop étroit de trois doigts. Présente-moi un semblable résultat, et je te ferai grâce des détails, je serai tranquille sur le tout. Je suis déjà en peine de te savoir seul et j’ai hâte de te renvoyer ton garde du corps. Il m’a conté ses aventures et demandé s’il pouvait être aussi tranquille sur mes dispositions : je lui ai dit qu’il n’avait qu’à continuer l’exercice de ses devoirs en brave et bon sujet, et que nous serions tous contents. Il m’a présenté une petite requête d’un ton bien humble, en m’observant qu’il marchait beaucoup, qu’il usait bien des souliers, qu’il avait soin des tiens comme il le devait, et que pourtant tu donnais à d’autres tes vieilles chaussures ; que le chanoine en faisait autant de son côté, de manière que, depuis qu’il était à la maison, il ne lui était rien revenu de ce genre. J’ai trouvé que son observation ne manquait ni de sens, ni de justice ; je lui ai répliqué que tu en usais peu et qu’une circonstance avait déterminé ton petit cadeau à la tante, mais qu’à l’avenir on ne l’oublierait pas. Effectivement, il marche comme un perdu, ce pauvre diable ; il faut bien avoir quelque égard.

J’ai reçu du Longponien une expédition que je te fais passer, pour

  1. Cette lettre de Roland à Lavater, du 23 novembre 1787, se trouve aux Papiers Roland, ms. 9533, fol. 171. Elle a été publiée par M. Finsler