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Ménage-toi, mon bon ami, je t’en conjure ; songe à moi. Mille amitiés à la, jolie pouilleuse[1], que j’embrasse en dépit de sa garnison. Adieu, toi, gros loup ! Je te mange tout entier.

J’attendais bien de tes nouvelles, au moins, et j’en espère toujours chaque courrier. Mon ami, on ne nous ôtera jamais le plaisir de nous retrouver et d’être bien ensemble ! À moins que tu ne gagnes la Bastille ; n’aie pas cette ambition, je t’en prie ! Mais voyez, quelle extravagante imagination !

Quand verras-tu le Tlz. [Tolozan][2] ? File doux, point de débats.


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[À ROLAND, À LYON[3].]
[? septembre 1787, — du Clos.]

Je t’écris avec un sentiment de mélancolie que je ne puis exprimer ; je ne manque ni de courage, ni d’activité, mais j’éprouve des angoisses extrêmes lorsque je te vois, toi le principe et là fin de mes pensées et de mes affections comme de toute ma conduite, te raidir, et te cabrer à l’apparence d’une difficulté que ta sagacité peut résoudre.

Tu n’envisages qu’un bourbier ; il semble que nous n’ayons le choix que de nous y jeter, ou de nous y laisser conduire ; tu me fais trembler : il s’ensuit donc qu’un jour, si nous laissons aller les choses, il n’y aura qu’à vendre la plus grande partie du bien pour en conserver quelques débris, et nos économies avec le reste équivaudront à peine à la totalité, en supposant encore que quelques malheurs ne nous ravissent pas ce que nous tâchons d’épargner. Dans cette cruelle perspec-

  1. Probablement une petite Chevandier.
  2. Tholozan de Montfort, prévôt des marchands, frère de l’Intendant du commerce, à moins que celui-ci n’eût fait à cette époque un voyage à Lyon, son pays natal.
  3. Ms. 6238, fol. 261-262. – Cette lettre n’a pas de date au ms., mais elle est des premiers jours de septembre, puisque Madame Roland y annonce à son mari la mort de Hofer, qui est du 4, ainsi que nous l’avons dit plus haut (lettre 269).