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prends au milieu du train de vie plus paisible, quoique très occupée, auquel je reviens.

Nous venons de passer trois semaines à Lyon, où la nécessité de cultiver des relations, des connaissances et de suffire aux engagements qu’elles font prendre ne m’ont pas laissée à moi.

Instruisez-nous donc de ce qui en est ; faites quelque promenade solitaire : c’est là, m’avez-vous dit, où vous retrouvez votre cœur et vos amis ; j’espère que nous y serons pour quelque chose. La révolution des affaires n’en produit-elle point dans votre patrie[1] ? Pouvez-vous asseoir quelque projet d’un plus rapide avancement, ou continuez-vous de vous consoler du contraire dans les douceurs de l’étude ? Elles sont grandes, assurément, pour une tête philosophique. Je voyais dernièrement un homme, réduit à l’état d’instituteur, qui s’estime heureux dans cette situation et se console, par l’étude, de trente mille livres de rentes dont il a perdu et mangé le fonds. Il doit beaucoup à son caractère, il est vrai, ; et il faut convenir qu’on fait souvent honneur de ce qu’il opère à la philosophie.


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[À BOSC, À PARIS[2].]
18 mai 1787, — du Clos.

Je suis ici d’hier, j’y demeurerai probablement près de trois semaines ; vous imaginez que j’y passerai ce temps délicieusement et, si je ne vous écrivais pas dans cet intervalle, vous ne manqueriez point de conclure que je deviens toujours plus dissipée, peut-être même frivole. Cependant je n’y verrai personne ; j’y ai plusieurs lessives à faire et, dans les moments que ce tracas pourra me laisser, j’ai emporté du travail de cabinet dont il faudra que je m’occupe, sans nuire à

  1. Bouvard de Fourqueux quitta le contrôle général le 1er mai. Madame Roland ne pouvait encore, le 2, connaître la nouvelle. Mais il est probable qu’il en courait quelque bruit. — Il y a patrie dans le texte de Bosc. Mais il semble qu’il faufrait lire partie.
  2. Collection Étienne Charavay : provient des papiers Barrière.

    Mlle Cl. Bader a publié la plus grande partie de cette lettre dans le Correspondant du 25 juin 1892.


    L’autographe a figuré dans la vente N. Charavay du 20 janvier 1899.