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que celui de tes dissertations d’Arts ; je l’ai revue, puis copiée, parce que ce sera une peine d’évitée pour toi, si tu admets mes légers changements, et une plus grande facilité de me corriger, si tu ne les admets pas.

Si tu savais de quelle folie dont je suis encore capable, tu te moquerais bien de moi. J’ai voulu relire l’Arioste, et j’ai eu fantaisie que ce fût en notre langue ; le Doyen m’a prêté la traduction du comte de Tressan[1]. J’en ai lu les deux premiers volumes au commencement de la semaine, dans mes heures de récréation ; j’ai découvert avec plaisir que je sentais mieux que je n’avais cru les beautés de l’italien, parce qu’en recourant à l’original pour la comparaison des morceaux frappants, ils m’ont bien plus satisfaite dans l’auteur. Mais la faim de suivre le fil des aventures me poursuivant, j’ai commencé hier matin le troisième volume et je n’ai quitté qu’après avoir achevé le quatrième. Comment est-il possible qu’on s’échauffe de tant d’extravagances ? Je crois que cet Arioste écrivait avec une plume enchantée comme étaient les armes de quelques-uns de ses héros.

J’ai expédié ce matin à d’Antic des lettres pour mon p.[père], ma tante[2] et Agathe. Je réponds au premier d’une manière sans réplique sur les difficultés qu’il trouve au projet de retraite que je lui ai proposé, et sur les prétendues erreurs de calcul.

Ma santé se soutient ; il m’est venu sur les bras, le cou, le dos et les épaules de petits boutons qui ne s’aperçoivent qu’au tact et qui me causent beaucoup d’ardeur et de démangeaison ; je les fais étriller à la brosse ; cela me réussit merveilleusement. Je mange du fruit cru prodigieusement, avec l’avidité du besoin, et je m’en trouve bien.

Le Doyen m’a interrompue ; nous avons causé, et beaucoup. J’ai reçu tou paquet et je vais faire le mien. Mon courrier, comme tu l’appelles, ne va pas vite ; la pacotille de Paris ne m’est arrivée qu’hier à 7 heures du soir, encore est-ce pour l’avoir envoyé chercher.

  1. Cette traduction avait paru en 1780.
  2. Sa grand’tante, Mme  Besnard. — Voir Appendice B ; voir aussi la lettre du 9 octobre 1787.