Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/661

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

215

[À BOSC, À PARIS[1].]
20 février [1786, — de Villefranche].

Ce Paris est un gouffre où s’engloutissent, je crois, l’amitié même et les souvenirs. Nous n’avons nouvelles de vous non plus que si vous étiez mort. Jusqu’au docteur[2] qui garde aussi de longs silences ; je vois bien que la capitale vous gâte tous. Restez donc à votre mauvais sort, et répondez seulement quand on s’adresse à vous ; c’est tout ce dont vous me paraissez capable à présent.

Au milieu de vos affaires et distractions, parmi les changements d’administration, les intrigues de cour, les cabales d’Académie, le flux des connaissances et le clinquant des savants, irai-je vous entretenir de nos plaisirs ? En vérité, ce serait bien être de ma province ! Cependant nous dansons, chantons, buvons et mangeons ici comme là-haut, mais au lieu de disserter à tout venant, ce n’est que dans le cabinet que nous nous amusons à raisonner pour faire diversion.

Je ne veux pas vous dire que nous vous aimons toujours avant de savoir si vous en êtes digne, et je remets cela à ma première.


216

À BOSC, À PARIS[3].
23 février 1786, — de Villefranche.

Vous êtes bien encore de votre province, d’imaginer que je vous boude ! Ressouvenez-vous donc que vous étiez grand gareon, lorsque vous êtes venu dans la capitale, et que moi je ne l’ai quittée qu’à vingt-sept ans ; partant, j’avais les bons principes trop solidement

  1. Bosc, IV, 106 ; Dauban, II, 547.
  2. Lanthenas, qui renonçait pour le moment à s’établir en province, était revenu à Paris le mois précédent. Il alla demeurer rue Thévenot, 31.
  3. Collection Alfred Morrison, 2 fol.