Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/611

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire un sytième : or le grand homme sec à voix de ténor, ne s’accommode guère d’un tel résultat ; il veut un système ; dût-on aller le chercher dans la lune, comme tant d’autres hypothèses.

Nous avons enfin un temps doux, mais je ne reprends point de vigueur ; et si ce n’était l’activité morale, je ressemblerais beaucoup aux vers à soie, qui vont bientôt filer leur coque et qui se traînent languissamment çà et là. Je ne saurais déduire aucun mal, seulement je suis toujours comme fatiguée, et, malgré mes soins pour conserver une allure dégagée, la lassitude sillonne bientôt le tour de mes yeux et s’annonce ainsi, quoi que je fasse. Enfin, si mon Eudora se rétablit bien, que mon ami reprenne aussi à la campagne, réjouie de leur bien-être, je le sentirai mieux que mes petites misères.


190

[À ROLAND ET AU CHANOINE, AU CLOS[1].]
21 avril 1785, — [de Villefranche].

À celui des deux qui a le moins mal aux yeux.

Salut, santé, bonnes jambes et beau temps pour l’un et l’autre. Avec cela je vous envoie des pommes ; vous aurez soin de faire mettre de côté les reinettes franche pour les manger crues ou seulement cuites devant le feu.

Eudora va mieux ; elle a passé la nuit fort tranquillement ; mais elle tousse encore et garde sa langue jaune. Hier au soir, en se jouant devant la fenêtre avec sa bonne, elle est tombée le menton sur les grands cartons dont les bords sont en bois ; elle s’est mordu le dedans de la lèvre, ce qui qui faisait jeter beaucoup de sang par la bouche ; le menton est un peu cicatrisé ; les pleurs n’ont pas duré cinq minutes. Elle m’a beaucoup dit ; « Papa viendra voir mon bobo, il le baisera et il sera guéri. » M. Bussy doute s’il ne faudra pas encore la purger.

J’ai reçu un gros paquet de l’abbé Turles[2] ; lettre fort aimable et

  1. Ms. 6239, fol. 138. — Il est difficile de lire au manuscrit, s’il y a 21 ou 27.
  2. L’abbé Turles, supérieur du séminaire de Fréjus, ami Lanthenas, fut un des correspondants assidus de Roland pour sa grande publication (Voir Dict. des manuf.,