Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/567

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’auberge ; il faudrait écrire un mot à celui-ci ou le voir, pour l’instruire de ce qui s’est passé, savoir si le voyageur est encore à Lyon ; dans ce cas, on lui renverrait sa selle, mardi prochain, pour faire l’échange ; mais autrement, il ne vaut pas la peine de renvoyer et de courir le risque de n’avoir rien à la place.

Je te dirai que le dîner de Mme Massé[1] avait été remis à hier ; que nous y avons été, après quoi j’ai commencé mon cours de visites que j’ai continué et fini aujourd’hui. Mon frère a eu la bonté de m’accompagner partout ; ainsi tu n’auras à faire que tes visites d’homme, qui ne seront pas très nombreuses. Je me porte assez bien ; j’ai découvert, en mettant des habits dont je n’avais pas fait usage depuis six mois, que j’étais engraissée sensiblement. Ainsi tu vois bien qu’il ne faut pas s’effrayer ; sois paisible, content, ménager pour ta santé, aime-moi toujours et tout ira bien.

La bonne, après l’émétique et deux médecines, a toujours sa langue noire comme le cœur d’une cheminée.

Eudora est gentille, suivant l’expression du pays et le sens qu’on y attache[2]. L’ami Lanthenas demande note des ouvrages sur la cuisine, s’informe si M. de Machy n’a rien fait en ce genre, ou d’autres qui soient connus et aient traité la matière ad hoc. Je pourrais lui donner quelques renseignements sur la matière, qui est assez de ma compétence ; mais le reste est une affaire de bibliographie, que j’abandonne, mon cher maître, à votre savoir et à vos connaissances bibliographiques. À propos de cela, j’ai causé de l’abbé Deshoussayes avec notre pasteur, qui sort tout fraîchement de la Sorbonne[3]. Je cause avec toi en écou-

  1. À l’Almanach de Lyon de 1787, art. « Villefranche », nous trouvons, dans le tableau de la milice bourgeoise : « M. Macé, étudiant en droit, sous-lieutenant de la 1er compagnie, quartier jaune ». — C’est probablement le fils de cette dame.
  2. Madame Roland, en plus d’un endroit (voir lettre du 3 octobre 1786), s’égaye de cette expression locale, qui est prise d’ailleurs en plusieurs sens : tantôt « vaillant au travail », tantôt « sage, docile ».
  3. Bernard-Pierre Chatelain Dessertine, doyen de la collégiale de Villefranche « bachelier en droit civil et canon » (Almanach de Lyon, 1784). Les Dessertine étaient une famille considérable dans la ville. L’un d’eux était procureur du roi en la Sénéchaussé, un autre conseiller en l’Élection.