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dame, et vous nous laissez tous disposés à vous rendre service. » Ce fut son adieu ; il entrait déjà dans le salon où l’attendait un chevalier de Saint-Louis qu’on était venu lui annoncer. J’ai répondu que je réclamerais, dans quelque temps, l’effet de cette disposition pour ta retraite. De là, j’ai été voir le brave Valioud, faire mes adieux, le remercier et recevoir ses nouvelles protestations du désir de pouvoir davantage pour t’obliger mieux. Nous avons de là, avec le frère qui m’attendait au jardin de Soubise[1], gagné les Gobelins. Le bon, l’honnête M. Audran, très empressé, travaille pour toi et te fournira des matériaux cet été ; il m’a montré un petit cahier où sont déjà des choses. Il a beaucoup de zèle pour te seconder dans cette partie et regrette de ne pouvoir communiquer avec toi ; je l’ai encore excité tant que j’ai pu. Il me parait que tu n’en dois pas attendre grand’ chose comme savant, comme chimiste, — il n’aime même pas ceux de ce nom, — mais bien comme teinturier intelligent et expérimenté. Je te voudrais quelque second pour la partie scientifique de la théorie, car, si l’art n’est pas avancé, il y a du moins beaucoup de gens qui font les entendus et qui seront aptes à critiquer, si, avec d’excellents faits, de l’exactitude, etc., tu n’as pas l’air imposant et le jargon d’un docteur ; mais nous causerons encore de cela ; ce que je vois, c’est que Pilâtre a trop d’affaires pour que tu doives compter sur lui. Je suis revenue harassée ; l’ami d’Antic m’attendait ; je l’avais prié de venir pour savoir de lui quels arrangements je pourrais prendre, quelles voitures seraient employées, si j’enverrais la bonne à Chantilly pour en repartir ensemble dans ta voiture que tu m’enverrais, etc. Je n’ai rien obtenu de clair : il n’était pas de bonne humeur, et, comme fatigué de mes demandes, objections, il a été jusqu’à me dire : « Que voulez-vous ? Suivez votre destination et arrangez votre départ sans songer à nous. » Suivant l’accent, j’aurais pu lui reprocher affectueusement ou le relever avec vigueur ; je n’ai fait ni l’un, ni l’autre, parce qu’il m’a paru qu’il ne savait guère ce qu’il disait. Je sais qu’il n’a pas l’esprit content, et

  1. Le jardin de la Soubise, attendant à l’hôtel de Soubise (Archives nationales actuellement) et donnant sur la rue des Quatre-Fils.