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À ROLAND, [À AMIENS[1].]
Lundi, 17 mai 1784, — [de Paris].

Tu n’auras pas de mes nouvelles demain, mon bon ami, ni de celles du frère ; car l’ami d’Antic t’en aura peut-être donné s’il a eu un instant à lui. Je t’écris bien au delà de l’heure du courrier, et fort impatiente contre le secrétaire de M. de Vaudreuil, que je n’ai point trouvé quoiqu’il m’eût donné rendez-vous : il est vrai que j’étais en retard de dix minutes, et l’exactitude de ces messieurs est grande parfois. Il me dérange extrêmement d’aller le chercher demain, que je dois être successivement aux Gobelins et à l’audience de M. de Tol[ozan][2]. Voilà encore de quoi se ruiner de fiacres, quoique en étant fort alerte et matinale ; mais après-demain il sera à Versailles et j’aurai à me rendre à la chancellerie, rue de Richelieu, et chez M. de Mt [Montaran] à l’audience. Nous avons été hier au bois de Boulogne. La journée était superbe, j’ai songé à ce que tu faisais : nous avons chanté la Fête des bonnes gens, et j’ai pleuré comme une petite sotte. Je me meurs d’envie de retourner près de toi : les heures, l’air que je respire, tout me pèse et me suffoque. Jeudi, je vais à Versailles savoir ce qu’a fait Mme  d’Arb[ouville], donner un coup d’épaule et dire adieu à tout, in petto. L’ami d’Antic a fort envie que j’aille à Ermenonville, parce qu’un certain homme, le seul des prétendants de la sœur qui ne leur ait pas tourné le dos, doit être de cette partie, et que le frère désirerait que quelqu’un d’adroit profitât des circonstances pour tirer au clair les intentions du personnage. Il m’a dit cette raison entre nous deux ; j’ignore si sa sœur même le sait encore.

Mais voici bien du nouveau : Dom Chabrier m’a interrompue et m’a apporté une lettre du Crespysois qui vient d’être nommé prieur à

  1. Ms. 6239, fol. 100-109.
  2. Rappelons que Tolozan demeurait rue du Grand-Chantier, au Marais, c’est-à-dire à l’opposite de Gobelins.