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Je t’embrasse de tout moi-même, cœur, âme, esprit, etc., et j’ai envie de n’être plus réduite à te l’écrire.


P.-S. de Bosc :

Le projet a eu son exécution : nous avons dîné en famille, à vos dépens, pris un fiacre jusqu’à la barrière, où nous avons fait usage de nos jambes pour finir la route jusqu’à Alfort et nous sommes revenus par la même voie sur le bord de l’eau jusqu’au Jardin du Roi, où un fiacre nous a pris et mis chez nous, crevant de faim et très fatigués comme vous pouvez croire. Vous jugerez d’après ce récit si votre bonne femme, notre excellente amie, se ressent encore de sa faiblesse ; le reste de son rhume s’est dissipé. Nous avons vu beaucoup de choses dont elle vous rendra compte, car il faut que je travaille.


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À ROLAND, [À AMIENS[1].]
30 avril 1784, vendredi soir, — [de Paris].

Je viens des Italiens[2] mon ami. Le spectacle était des plus médiocres, mais il fallait voir la salle ; et, si notre, affaire finissait bientôt, je ne resterais sûrement pas une seule minute pour voir quoi que ce fût. J’étais libre aujourd’hui ; les Français et l’Opéra n’étaient pas abordables, parce que c’est la seconde représentation des deux nouveautés ; je suis donc allée à l’autre spectacle où j’ai mieux aimé prendre des dernières places afin d’y conduire la bonne. C’est au bout du monde pour le lieu que j’habite ; je suis horriblement lasse. Encore un peu pour hier de notre promenade à Alfort, dont je te conterai long, et pour les moutons de d’Aubenton[3] qu’on y élève par échantillons, ainsi qu’on a fait

  1. Ms. 6239, fol. 65-66.
  2. Le Théâtre Italien, qui était déj) en fait l’Opéra-Comique, s’était installé, depuis le 18 avril 1783, entre la rue Favart et la rue Marivaux, dans la salle qui a été brûlée le 15 mai 1887.
  3. Daubenton était, depuis 1783, professeur « d’histoire naturelle des animaux et d’économie rustique vétérinaire » à l’École d’Alfort, où, ainsi que nous l’avons dit il s’était fait donner Broussonnet comme adjoint (Alm. roy. de 1786, p. 549). Il élevait