Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/446

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

doit nous accompagner un jour à Charenton et me donner, cet été, des lettres pour Londres, etc. En rentrant à l’hôtel, à sept heures, j’ai trouvé une lettre qui me donnait rendez-vous pour quatre et demie, temps vers lequel elle était arrivée ; j’ai sué comme sous les doigts de M. d’Hervl. [Hervillez][1] ; je suis partie comme l’éclair, le bon ami d’Atc. [Antic] ne m’a point quittée ; nous sommes sautés dans une voiture, et fouette cocher ! Je sentais bien que je trouverais les oiseaux dénichés ; mais il importait de comparaître et de prendre langue pour une autre fois. Il n’y avait que le portier ; j’ai dit que j’arrivais sur la lettre, que sans doute le facteur ou autre avait négligée, que j’étais au désespoir ; j’ai demandé du papier, jai fait un billet bien chaud, bien éloquent où j’exprimais mes regrets et que je reviendrais le lendemain à neuf heures attendre l’instant favorable. Jamais on ne s’était mieux mordu les lèvres, et jamais on ne regretta si vivement le temps perdu à écouter un professeur, que je fis hier.

Ce matin, je suis arrivée dans les bureaux de M. B. [Blondel] presque aussitôt que les secrétaires. Il n’était pas jour à l’appartement, mais on me disait qu’aussitôt son lever M. B. [Blondel] venait voir ses secrétaires. Dix heures sonnent, l’apparition tant souhaitée ne se faisait pas : M. Cott [Cottereau] appele un valet de chambre, demande si l’on est levé, et sur l’affirmative, fait dire que je suis là ; on revient me dire que, dans un instant, Monsieur sera visible. Effectivement, j’ai été introduite à son cabinet ; il m’a fait des excuses de m’avoir fait attendre ; nous avons causé, et j’ai été un peu déconcertée : j’avais provision d’armes pour la défense, je n’en ai pas eu besoin, elles m’ont presque embarrassée. Tout ce que je puis te dire, en somme, c’est que si tu

    Pierre-Marie-Auguste Broussonnet (1761-1807), qui devait fournir une brillante et trop courte carrière scientifique, revenait alors d’Angleterre, où il avait passé trois années, avec l’amitié de Banks et le titre de membre de la Société royale de Londres, et Daubenton, malgré son extrême jeunesse, venait de le faire nommer son suppléant d’abord au Collège de France, puis à l’École vétérinaire d’Alfort. Il s’était bien vite lié avec Bosc. — Voir Appendice K.

  1. Au baquet magnétique d’Amiens.