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propres disgrâces. Mais ta lettre vient de me pénétrer ; j’éprouve combien je suis en prise au chagrin qui peut t’atteindre, et l’idée de ta mélancolie me rendrait tout insupportable. Ménage mieux notre commum bonheur que tu tiens en tes mains ; prenons courage, faisons tous les possibles et passons-nous du reste.

J’ai vu M. Rousseau, il se persuade que je pourrais beaucoup influer sur M. de Mt[Montaran]. Il pencherait à croire que c’est le moment de solliciter la retraite. Brunet[1] vient d’obtenir mille écus. L’inspection demandée par la Reine était celle de Cliquot[2] pour de Vîmes, son gendre ; mais on n’a pas voulu de celui-ci et Cliquot garde sa place. Cependant on prémédite des remuements parmi les inspecteurs généraux ; on voudrait qu’ils travaillassent ; on fera des changements et M. Rss. [Rousseau] argumentait sur tout cela pour la retraite. Je tâterai le terrain, je ne précipiterai rien, et nous verrons. Mais M. de Mt [Montaran] est à la campagne pour quinze jours, à Beaurepaire, à sept lieues d’ici[3] ; M. Rss. [Rousseau] me conseille d’en faire le voyage. Qu’en penses-tu ? J’attendrai ton avis. En attendant, je verrai M. Valioud[4]. D’ailleurs, M. Rss. [Rousseau] m’a promis de m’avertir au cas que, dans cette quinzaine, M. de Mt [Montaran] fît ici une apparition.

J’ai été promener cet après-midi avec Mlle d’Atc. [Antic] au Jardin du Roi ; nous avions toutes les deux besoin d’air ; j’ai vu des plantes avec

  1. Brunet, inspecteur des manufactures à Alençon (Alm. royal de 1783, p. 271). — Roland le cite (Dict. des manuf., Discours prélim., t. I, xxxiv parmi ceux de ses collègues qui lui ont le plus obligeamment fourni des indications. — Madame Roland semble dire qu’il aurait été mis alors à la retraite ; mais nous le retrouvons, à l’Almanach royal de 1784, p. 274, inspecteur principal, toujours à Alençon.
  2. Cliquot de Bervache, « inspecteur général des manufactures nationales. » (Alm. royal de 1784, p. 272), économiste connu.
  3. Probablement Beaurepaire, à 5 kilomètres de Pont-Saint-Maxence.
  4. Valioud-Dormenville, premier commis ou, comme on disait alors, secrétaire de Tolozan. — Il fut, en cette affaire, très serviable pour Roland. (Voir plus loin ses lettres des 27 avril et 20 mai 1784.) — Il était encore premier commis en 1789 (Tuetey, III, 5624, où l’on a imprimé, par erreur, de Valiond).

    Madame Roland écrit presque partout Vallioud. Mais nous suivons l’orthographe de sa propre signature.