Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/396

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moires et, qui plus est, à titre de confiance, des observations de ma façon sur l’état des choses avec nos pantins. Il le reverra demain matin ; voilà un homme d’embouché et je crois d’accroché, en le cultivant bien ; mais ce n’est pas assez, car ce personnage ne sait rien des vues d’administration de son maître. Il nous faut pour cela un M. Le Rat, le premier secrétaire pour les grandes affaires, l’âme damnée du charmant roué[1], qui travaille comme un lutin et dont on dit des merveilles. — Fless[elles] a écrit à Lille depuis plusieurs jours pour avoir une lettre d’un ami commun pour se présenter à lui, mais la réponse n’arrive pas ; en conséquence, il est résolu à demander au prince de P.[Poix][2] une lettre pour ce Rat qu’il nous importe si fort de saisir. Puis il va dimanche à Versailles, revoir un valet de chambre de Madame Élisabeth[3], chercher par lui à s’introduire chez le comte de Vaudreuil[4], tout-puissant auprès de M. de Calonne. Je livre demain une autre copie de nos mémoires et je me remets à en faire de nouvelles ; voilà tout.

  1. Alm. royal de 1784, p. 253-254 : « Chefs et premiers commis des bureaux des ministres. — Contrôle général : M. Le Rat. Attributions : le secrétarie, l’ouverture et le rapport de toutes les lettres, requêtes, placets et mémoires présentés au Ministre, etc… » — Inutile d’ajouter que « le charmant roué », c’est Calonne.
  2. Cf. lettre du 5 avril 1784. — Almanach de Versailles de 1784, p. 264 : « M. le prince de Poix, capitaine des gardes du corps du Roi, gouverneur et capitaine des chasses de ville, châteaux et parcs de Versailles, Marly et dépendances. » — Sa terre de Poix était en Picardie. C’était dans cette terre que Martin et Flesselles demandaient au Conseil du roi l’autorisation d’établir, sous le titre de Manufacture royale de Poix, leur fabrique marchant avec la machine d’Arkwright (Dictionn. des manuf., II, 311). « L’établissement, qui d’abord avait dû se faire à Poix, a été formé dans une autre terre du maréchal de Noailles, à l’Épine, près d’Arpajon » (ibid, II, Supplément. p. 137). — Le prince de Poix (Louis-Philippe-Marie-Antoine de Noailles, mort en 1819) était neveu du maréchal de Noailles. ‑ Voir sur lui Mémoire secrets, 28 mai 1781, 13 mai et 6 juin 1784.
  3. Madame Élisabeth de France, sœur du Roi.
  4. Le comte de Vaudreuil, chevalier de l’ordre du Saint-Esprit, grand fauconnier de France, maréchal de camp, un des favoris de la cour de Marie-Antoinette, célèbre par ses tableaux, ses dettes, etc. — Son hôtel était rue Saint-Dominique. Voir Mémoires secrets, 8 avril 1784 : « M. de Calonne est très bien avec les Polignac, les Vaudreuil, qui le tutoient familièrement. »