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retourne, et le récit des audiences qu’elle en obtient, particulièrement des quatre audiences que lui donne Tolozan (19 avril, 4, 18 et 22 mai), est une peinture singulièrement amusante des mœurs du temps. — On sait qu’elle aboutit à obtenir non des lettres de noblesse, mais la nomination de Roland a Lyon.

Les dernières lettres échangées entre elle et Roland sont du 24 mai. Il semble qu’alors elle soit tombée malade. Roland va la chercher et la ramène à Amiens à petites journées, en s’arrêtant d’abord à Ermenonville, en pèlerinage à la tombe de Rousseau, puis à Crespy, chez le prieur Jacques-Marie Roland, qui était à la veille de quitter cette résidence de trente années.

Le 7 juin, elle était à Amiens, se préparant au voyage d’Angleterre que Roland voulait lui faire faire avant de quitter la Picardie. Elle s’y rendit avec son mari, Lanthenas et M. d’Eu. Partie le 1er juillet avec ce dernier (Lanthenas et Roland avaient pris les devants), elle quitta Londres le 27 pour regagner Amiens.

Lanthenas, qui s’était attardé à Londres, vint rejoindre ses amis le 13 août, au milieu de leurs préparatifs de départ pour le Beaujolais. Mais Roland ne voulut pas s’éloigner de ces provinces, où il avait passé trente ans de sa vie, sans aller embrasser encore une fois ses amis de Dieppe et de Rouen. C’est pourquoi, en quittant Amiens le 25 août, on se rendit d’abord à Dieppe, où l’on séjourna du 26 au 30 auprès des frères Cousin ; puis de là à Rouen, chez les demoiselles Malortie, où l’on passa trois jours ; le 3 septembre, on arriva à Paris, a l’hôtel de Lyon, et l’on y fît une plus longue halte, auprès de Bosc, dont l’amitié inquiète et jalouse se froissa d’une circonstance bien insignifiante en apparence : on a vu que c’était son père qui, en 1783, traitait Roland par correspondance ; mais le « seigneur père » était mort le 4 avril 1784, et Madame Roland, préoccupée de la santé de son mari, eut l’idée, au lieu de s’en tenir aux vieilles ordonnances, d’aller consulter le docteur Alphonse Le Boy, professeur a la Faculté de médecine. De là grande colère de Bosc et, au moment des adieux, une scène singulière (voir lettre du 23 septembre), qu’on ne peut expliquer vraiment que par l’émotion d’un amour refoulé, et dont la secousse dura plusieurs mois (voir lettres du 29 septembre 1784 au 23 mars 1785).

Le 23 septembre, Roland et sa femme, accompagnés de Lanthenas, s’arrêtaient à Longpont, chez le bon curé Pierre Roland : puis ils firent halte à Dijon, pour y voir les savants de cette ville, Maret, Guyton de Morveau,