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[À BOSC, À PARIS[1].]
14 avril 1783, — [d’Amiens].

N’est-ce donc pas assez de laisser là ces pauvres femmes, sans les envoyer encore à tous les diables ? Jeune homme, vous n’êtes point tolérant ; mais, comme votre petit dépit est plaisant, il vous est aussi pardonné, et nous ne tirerons de l’aventure d’autre conséquence, sinon que vous aimeriez mieux avoir affaire à tous les boux de l’univers qu’à Mme Maille. D’après quoi, vos amis peuvent bien vous prier de courir quelquefois pour eux les champs et les buissons, mais non pas autre chose. Au reste, l’amitié trouve bien mieux son compte a votre désintéressement ; et, lorsqu’elle seule motive vos démarches, elle a bien plus de droit de compter sur votre persévérance. Vous avez beau me peindre tous vos travaux, je ne vous plains pas du tout ; je crois qu’être occupé, c’est être déjà à moitié heureux, surtout quand c’est un moyen de conserver la liberté ; et dès qu’on peut se soustraire à l’empire de l’habitude, on n’est guère exposé à celui de l’amour. Courez donc bien à votre aise les bois et les vergers, en moineau coquet qui ne connaît pas encore l’esclavage ; on peut l’éviter longtemps à cette manière de vivre, et l’âme s’en fortifie d’autant. Je vous plains seulement de ne pouvoir vous promener ces fêtes[2], et j’y penserai toutes les fois que nous irons faire notre promenade, à laquelle nous vous associerons en idée.


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[À BOSC, À PARIS[3].]
17 avril 1783, — [d’Amiens].

Vous êtes triste, et nous en sommes tout affligés ! Personne assurément n’apprécie mieux combien, avec votre délicatesse, vous avez de motifs de l’être. Il est pénible de voir germer dans les cœurs de ceux qui nous environnent des semences de malveillance ou de quoi que ce soit qui ressemble à

  1. Bosc, IV. 52 ; Dauban, II, 491.
  2. Pâques, 20 avril 1783.
  3. Bosc, IV, 53 ; Dauban, II, 491.