Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

77

[À BOSC, À PARIS#1.]
1er avril 1783, — [d’Amiens].

C’est pourtant une bien laide chose qu’une femme qui se porte mal et qui va contant ses maux : mais enfin, le maître le veut. Contons donc. 1° Lors de mes misères au moment du sevrage et de l’envoi d’une sage ordonnance par M. votre père, j’avais été déjà médicamentée ; j’avais pris une bonne purgation, des lavements sans nombre et, par-dessus tout, de la terre foliée de tartre ; j’étais excessivement fatiguée, j’avais l’estomac en mauvais état, et le médecin ordinaire décida que je n’étais point en force suffisante pour prendre durant quinze jours, de deux jours l’un, l’once de sel d’Epsom ordonnée par Monsieur d’Antic. En conséquence, je ne la pris que trois fois : j’en fus bien menée, puis je m’en tins là. Cependant les forces, le bon état enfin ne revenant pas, j’en pris trois onces encore, en deux temps différents, un seul jour une fois ; puis, deux jours de suite, une autre fois. Mais, parmi quelques jours de bien-être, j’en ai beaucoup plus de malaise ; je mange peu, surtout le soir, et souvent la nuit l’estomac est gêné ; j’ai un extrême besoin de sommeil, je me couche accablée, je dors, pour ainsi dire, d’assoupissement, souvent avec agitation ; je ne me lève qu’avec effort et toujours lasse. Ainsi tout le mal se ré-[1]

  1. Ms. 9532, fol. 155-156. — Cette lettre est un long post-scriptum à une lettre de Roland à Bosc, dont voici les principaux passages  : « Je vous expédie deux exemplaires de mon Art du tourbier, que je reçois de Neufchâtel… » (ceci nous donne la date exacte de la publication ) ; puis, après des détails sur sa santé et celle de sa femme : « elle va toujours maigrissant, et elle me semble dépérir. Je veux absolument qu’elle vous rende compte elle-même de ce qu’elle a fait de sa situation et je vous prie de vouloir bien en conférer avec M. votre père… Je ne suis point surpris du peu de sensation qu’a fait le changement, inattendu cependant, dont vous me parlez [le remplacement du contrôleur général Joly de Fleury par d’Ormesson, 30 mars 1783] ; je vous avouerai cependant que j’en suis bien aise, non à cause de l’arrivant, que je ne connais point, mais à cause du partant que j’aimais encore moins. »