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très aise que tu aies prolongé ton séjour ; je regarde cela comme autant de gagné sur le cabinet, qui m’effraye pour toi comme il effraye notre frère dont j’ai lu la lettre avec attendrissement ; mais tu te rappelleras tes promesses : tu ne travailleras pas l’après-midi, ni le soir ; nous expédierons de l’ouvrage le matin, et le reste du jour s’écoulera doucement en occupations de délassements. M. de Vin, à qui j’avais écrit un billet au reçu de ta lettre, est venu me répondre que son dégoût avait été l’effet d’un mouvement d’humeur contre une friponnerie dont, au bout du compte, il ne devait pas se punir ; qu’il garderait son édition, ne pouvant avoir présentement celle de 1800. Il m’a demandé Tavernier[1] ; je ne sais si tu l’as, je lui ai indiqué à peu près le coin des voyages : il a cherché pendant que je prenais ma leçon d’épinette, et il a emporté Paul Lucas[2] qu’il s’est trouvé sous la main. Il voulait me déterminer à aller ce soir avec Mme d’Eu, en loge grillé, voir un Grammont[3] de Paris qui est ici pour quelques jours.

J’ai trouvé plus doux de t’écrire avec mes pieds devant le feu, et j’y suis plus contente que je ne saurais être nulle part, si ce n’est à tes côtés.

Je t’envoie toutes tes copies, ci-jointe celle de la lettre à l’évêque ; j’écris à M. Flesselles pour savoir quelque chose de ce qui a résulté, et je t’en ferai part si je l’apprends assez tôt. Tu n’en sais donc rien d’ailleurs ? J’entends de l’affaire et de la requête. En vérité, je crois que ces horreurs qui nous révoltent font peu d’impression dans les cloîtres, parce qu’on y est accoutumé à toutes les petites intrigues qui y conduisent insensiblement, et, par cette raison, ceux des confrères

  1. J.-B. Tarvernier (1605-1686), Voyages en Turquie, en Perse et aux Indes.
  2. Paul Lucas (1664-1737), Voyage au Levant ; Voyage dans la Grèce, etc. ; Voyage dans la Turquie.
  3. L’acteur J.-B.-Jacques Nourry, dit Grammont d Roselly, dont il va encore être question plus loin. — Voir les Mém. secrets, 6 février 1781, 20 janvier, 7 et 24 février, 24 et 25 juillet 1782, sur les démêlés qu’il avait eus avec la Comédie-Française, et dans lesquels il avait été soutenu par la protection de la Reine. Il devint, pendant la Révolution, chef de l’État-Major général de l’armée révolutionnaire et fut guillotiné, le 13 avril 1794, dans la même fournée que Chaumette, Gobel, etc. — Voir son article dans la Biogr. Rabbe