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[À ROLAND, À PARIS[1].]
Vendredi au soir, 24 janvier [1783, — d’Amiens].

Je ne me plains pas, mon ami, je suis touchée et pénétrée de tes motifs ; j’ai osé douter d’après ce que je me sentais, j’ai voulu…, mais enfin tu t’es affligé, inquiété de tout cela, c’est ce que j’en regrette. D’après ta lettre, j’ai aussi écrit à M. d’Hervillez pour le prier de me faire l’amitié de venir, lui disant que j’apprenais qu’il en recevait une de toi, et que je croyais qu’il verrait dans ton procédé celui d’un homme aimant, absent et inquiet, agissant et se montrant avec toute l’énergie et la franchise de son caractère ; dans le mien, celui d’une femme timide, balancée par de fortes considérations et mettant de ce nombre les égards qui lui étaient dus, etc. Je l’attends : j’avalerai la confusion d’un mensonge avec toute la simplicité qui m’a fait souffrir en le commettant, et, si l’expiation est méritoire auprès de quelqu’un, ce ne sera pas un mal inutile. Tu auras vu, par mes lettres suivantes, que cette précaution de ta part se trouve superflue, que tout s’arrangeait sans elle ; mais il ne dépend pas de moi de saisir d’abord le meilleur parti à prendre ; et, comme j’écris toujours sur le moment, que tu me juges de même, il s’ensuit de petites méprises qu’il faut bien confondre dans la masse totale des choses meilleures qu’elles.

J’ai pris, pour la seconde fois aujourd’hui, la dose de sel prescrite dans la décoction indiquée ; j’en ai été menée un peu moins rudement qu’avant-hier ; je n’en suis qu’altérée et un peu fatiguée. Peut-être le serais-je moins encore si je ne souffrais pas du tourment que je te vois. Mais c’est une chose impossible, il me semblerait plus faisable que la réflexion te tranquillisât ; et, par contre-coup, cela servirait à ma santé bien autant que tous les trésors de la pharmacie. Mon ami, je

  1. Ms. 62238, fol. 227-228.