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conseille de ne point habituer ma fille, au contraire, parce qu’avec son avidité elle ne me laisserait guère de repos : les circonstances me détermineront.

Ancelin est fort étonné de me savoir nourrice ; tous ces gens qui m’ont crue morte en sont également stupéfaits.

J’ai vu tantôt les deux voisins ensemble, au retour de leur promenade : ils ont été hier, avec tout Amiens, à la fameuse comédie (la Femme nouvelliste)[1] ; l’assemblée était brillante au possible, toutes les places occupées. Quant à la pièce, c’est du médiocre à tout égard, et du plus médiocre. Un mari faible, une méchante femme, un amoureux garçon ne cherchant que la dot, un nouvelliste piqueur d’assiettes, etc. Ces portraits-là ont des originaux partout et je n’y vois pas grand’merveille.

On débite pour certain le départ prochain de Dame Gigogne ; cela fit le plus grand bruit à la redoute où l’on s’en est fort entretenu ; elle ira en Bretagne, et par des ordres tels, dit-on, qu’au cas de refus de sa part, la lettre de cachet est prête.

Je ne sais ce qu’on bredouille encore de la vieille histoire de La Courte[2] ; mais je crois que M. d’E[u] veut s’amuser à te raconter ces folies, et je les lui abandonne.

M. de B[ray] est venu me voir, causant, demandant de la botanique, sans me dire si l’ouvrage qu’il m’avait envoyé était acquis ou emprunté par lui ; je ne le lui ai pas demandé ; j’ai répondu bonnement à ses questions que ce n’était pas à moi qu’il fallait s’adresser pour savoir ce qu’il convenait de faire, et qu’à titre d’avis je n’avais rien à dire ; qu’en aveu de ce qu’il me semblait, je dirais que, pour moi, si j’avais à commencer, je préférerais quelque chose de plus simple.

Je lui ai parlé de l’abrégé incomplet des Éléments par Rousseau[3],

  1. Voir lettre des 8 et 14 janvier 1782.
  2. La Courte. — Nous ne savons de quoi il est question.
  3. Musset-Pathay, dans son Histoire de la vie et des ouvrages de J.-J. Rousseau, mentionne (II, 473) six fragments ou lettres sur la botanique. Mais aucun ne porte le titre d’Éléments.