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Tu en entendras bien d’autres, j’espère : journalistes, etc. Nous les écouterons d’une oreille pour profiter du bon, et nous rire du reste.


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[À ROLAND, À PARIS[1].]
Vendredi, onze heures du matin [11 janvier 1782, — d’Amiens].

Je t’écris en l’air avec ma petite au sein qu’elle tient depuis plus d’une heure, sommeillant et suçant tour à tour ; je ne sens pas sortir de lait, mais il faut bien que l’enfant trouve quelque chose pour s’amuser si longtemps. En conséquence de ce raisonnement, je viens de renvoyer ma téteuse avec laquelle j’avais fait mon prix cette fois, ce dont je me suis bien trouvée ; elle est aussi contente, et moi, je le suis davantage.

Santé, plaisirs, tout renaît, mon bon ami ; je n’avais encore dit à personne, de celles qui me venaient voir, que j’espérais être encore nourrice. On n’eût pas manqué de l’écrire que je me mettais des folies dans la tête et que je retomberais malade si tu n’arrivais y mettre ordre. Hier au soir seulement, j’ai désabusé M. de V[in] qui me faisait son compliment de condoléance sur le fâcheux dont il serait que je n’eusse plus de lait à donner au temps de la dentition. Sans doute, cela fait déjà nouvelle chez Mme  d’E[u] et peut-être autre part. Quoi qu’il en soit, je n’attends plus que l’abondance pour supprimer l’eau d’orge et le lait de vache.

Marie-Jeanne me traite en nourrice ; elle m’apporte à mon réveil une soupe en bouillie qui n’est autre qu’une panade à laquelle on ajoute du lait ; une heure après mon lever, je déjeune avec cacao au lait ou café ; à midi, soupe grasse ; à cinq heures, soupe en bouillie ; au souper, riz au lait ou légumes, etc. Aux repas de midi et du soir, deux verres de petite bière ; plus de quinquina, fort rarement et très

  1. Ms. 6238, fol. 191.