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[À ROLAND, À PARIS[1].]
Mardi. 27 novembre 1781, après-midi. — [d’Amiens.]

Tu jugeras, mon bon ami, par l’incluse de M. Flesselles, que j’aurais dû t’expédier aujourd’hui le présent paquet ; mais j’ai gardé le lit jusqu’à deux heures et je n’ai dû faire autre chose qu’allaiter notre enfant. Je ne sais si c’est à la bière que je dois attribuer la petite révolution que je viens d’éprouver ; cette boisson m’a désaltérée dès le premier jour, elle m’a sensiblement rafraîchie le second, je l’ai quittée le troisième parce que je sentais des coliques ; cependant celles-ci ont augmenté le lendemain, j’ai eu un peu de courbature et de cours de ventre ; ça a été l’affaire d’une mauvaise nuit : les soins et le repos que j’ai pris ce matin ont tout raccommodé. J’imagine qu’en te disant tout, tu n’auras d’inquiétude au présent ni à l’avenir ; il n’y a pas de sujet en ce moment. Avant de passer à autre chose, parlons de ta santé qui me préoccupe ; ces emplâtres appliqués doivent attirer une humeur qui exigerait peut-être que tu te fatiguasses moins ; cette purgation toutes les semaines doit demander aussi des ménagements que je crains que tu négliges ; rassure-moi sur toutes ces choses et dis-moi aussi ce que tu sens.

J’ai envoyé chez Mme de Chuignes m’informer de ses nouvelles, et mon motif très étranger à sa personne m’a donné le mérite d’une politesse que je lui devais à quelques égards. J’ai beaucoup causé d’elle avec d’autres, et, somme toute, il résulte qu’elle n’est point guérie dans l’étendue du terme, puisqu’elle continue emplâtres et drogues et qu’elle ne court point les rues ; personne ni elle-même n’en est étonné, parce que l’Empirique a toujours jugé la cure très difficile et qu’il n’a promis de l’opérer dans sa perfection qu’au bout d’un temps qui n’est

  1. Ms. 62338, fol. 153-154.