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Appendice U.



AGATHE.

Ce n’est guère que par Madame Roland ello-même que nous connaissons cette humble amie, « dont le constant attachement, dit-elle (Mém., II, 50), a fait ma consolation dans plus d’une circonstance », et dont elle dit encore : « Son caractère et son affection m’ont inspiré pour elle l’attachement le plus vrai ; je me suis honorée de le lui témoigner sans cesse ».

« Angélique Boufflers, née sans fortune, s’était engagée par des vœux dès l’âge de dix-sept ans… » (Ibid.). Comme nous voyons un peu plus loin (p. 52) qu’elle avait vingt-quatre ans lorsque Marie Phlipon la connut au couvent en 1765, il en résulte qu’elle était née vers 1741 et avait fait ses vœux de religieuse vers 1758. Elle avait donc treize ans de plus que son élève. C’est au couvent des « religieuses de la congrégation de Notre-Dame, chanoinesses de Saint-Augustin, rue Neuve Saint-Étienne-du-Mont », qu’Angélique Boufflers avait fait profession, sous le nom die sœur Sainte-Agathe.

Elle était pauvre : « Le défaut de dot avait assigné sa place parmi les sœurs converses[1] ». Elle n’avait pas non plus « reçu de grands secours de l’éducation », et le billet d’elle à Madame Roland que nous avons donné en note à la lettre du 8 avril 1784 est d’une étrange orthographe. Mais « la sensibilité de son cœur et la vivacité de son esprit » lui avaient acquis, dans la communauté, une considération particulière.

Pendant l’année que Marie Phlipon passa au couvent (1765-1766), sœur Sainte-Agathe s’attacha à elle avec une affection passionnée et jalouse : « la nature l’avait pétrie de soufre et de salpêtre… ». Elles continuèrent à se voir, à correspondre, à s’aimer, d’une amitié orageuse, traversée par des querelles, des brouilles (Lettres Cannet, 26 novembre 1771), mais qui, dès que l’une avait besoin de l’autre, se retrouvait active et fidèle. Quand sa jeune amie tombe gravement malade en 1778, Agathe, ne pouvant sortir pour la soigner, lui envoie une de ses cousines, jeune veuve, « mère aimable de quatre enfants ». (Mém., II, 126 ;

  1. En 1772, elle est « à la roberie » (Lettres Cannet, 11 juin). – Une lettre inédite de Marie Phlipon, que le possesseur, M. Cesbron, a bien voulu nous communiquer, fournit une indication curieuse. Marie Phlipon, sortie du couvent vers le mois de mai 1766, écrit, le 15 avril 1767, à Sophie Cannet, qui était encore pensionnaire dans l’établissement, et lui dit (nous rectifions l’orthographe de l’écolière) : « Je comptais ne t’écrire qu’après Pâques, voulant te laisser passer tranquillement le temps consacré à la pénitence… La même raison m’a engagé à ne point écrire à ma bonne, à qui je suis bien obligée de son ressouvenir. Je te prie de l’assurer de tout ce que ton cœur te pourra suggérer de plus tendre et de plus sincère… »

    Ainsi la converse était, auprès des pensionnaires, sur le pied d’une « bonne », et l’humilité même de cette situation pouvait contribuer, quand l’attachement se produisait entre elle et les enfants confiés à ses soins, à le rendre plus intime.